Les violences conjugales au quotidien
Voici le témoignage de Louise Sèvres (pseudo). C’est une femme française, en 2019, qui a vécu des violences conjugales comme nombres de femmes autour de nous.
Elle est longtemps restée silencieuse. Pourquoi ? Elle le dit elle-même, parce qu’elle voulait « sauver » son mari de « ses démons ».
Elle nous parle de l’emprise qu’il avait sur elle, de la violence des mots et de la violence physique.
Lorsqu’elle a cherché de l’aide de la société, elle a du faire face à l’incompréhension.
Aujourd’hui, Louise s’est libérée. Elle est devenue coach en développement personnel. Sa mission : aider les femmes à porter plainte et quitter leur mari violent.
L'histoire d'une victime de violences conjugales
« Pour être complètement honnête avec vous j’ai rencontré au début de mon histoire un homme ultra-sensible qui venait de perdre son père. J’ai voulu le réconforter et l’aider à surmonter ce deuil. Très vite au bout de deux semaines il a commencé à avoir des crises de colères. Il jetait toutes les affaires par terre dans mon appartement, hurlait, partait en claquant la porte et se plaignait d’être seul, incompris et mal aimé. Je me disais que mon amour le sauverait.
Cela a été ma première erreur. Il ne travaillait pas et passait ses journées à dormir. Je rentrais du travail et il criait, m’empêchait de dormir car je devais l’écouter toute la nuit. Il a commencé a critiquer mon corps, ma façon de vivre et plus rien ne le satisfaisait. Un soir pour la première fois il m’a jeté sur le lit en m’insultant et en serrant ses mains autour de ma gorge. Jamais cette fois ci ou les autres fois il ne s’est excusé. J’étais anéantie mais au lieu d’ouvrir les yeux et de le fuir j’ai voulu comprendre ses actes et j’ai minimisé l’importance de ce que je subissais.
Tout ce que je voulais c’était une vie de couple et pouvoir le sauver de ces démons.
À partir de là, cela a été des crises de nerfs tous les jours.
Il me frappait de plus en plus souvent pour n’importe quelle raison. Un café trop chaud, plus de cigarette, pas de vêtements secs, un plat pas à son goût. Il m’a donné des coups dans le ventre, essayé de m’étrangler, mis un coup de boule, tapé sur les jambes, il me jetait sur le lit et se mettait sur moi pour me frapper. Ensuite l’air de rien il repartait à ses occupations.
Il m’humiliait, me trompait et faisait tout pour que je le sache. Il était un tyran domestique, manipulateur pervers narcissique violent infidèle et drogué et j’étais sous son emprise. Il me forçait à avoir des rapports sexuels quand je dormais et me donnais des coups de coudes dans les cotes la nuit.
Je me suis séparée plusieurs fois de lui, lorsque c’était insupportable je le mettais à la porte. Je ne refaisais pas ma vie et comme il savait quoi dire pour me faire craquer je retombais dans ses bras et c’était pire à chaque fois, encore plus de tromperie et de violences.
Je croyais l’aimer quand il était calme mais c’était le calme avant la tempête. Je ne l’aimais pas j’étais juste sous son emprise. Ensuite je suis tombée enceinte et tout s’est précipité. Il n’a jamais fait quoique ce soit pour notre fils. Il voulait m’isoler et partir vivre au milieu de nul part. Il aurait pu nous frapper à sa guise. Mais je n’ai jamais quitté mon travail. Ses crises de violences se multipliaient et il faisait du chantage au suicide. Un jour que mon fils était dans mes bras il m’a menacé avec un couteau. J’ai réussi à m’enfuir mais il nous a rattrapé. La police est intervenue j’ai pu récupérer mon fils de 14 mois à l’époque.
Cela a été le début d’une longue et harassante bataille judiciaire. J’avais déposé une multitude de mains courantes mais cela ne m’a été d’aucune utilité. En tout je suis passée quatre fois devant le juge aux affaires familiales et une fois devant le juge au pénal. Lors de ma plainte la policière me croyait à peine mais elle a fait son travail. Il n’y a eu aucune empathie. Il a écopé de plusieurs mois avec sursis et 1800€ d’amende. Le juge aux affaires familiales a statué sur un droit de visite et d’hébergement pour mon fils de 16 mois à 500 km de là où il avait déménagé. L’enfer a continué. Il ne me le ramenait pas ou avec 3 jours de retard. Il ne répondait pas à mes appels.
Plus tard il a refait sa vie. J’étais angoissée du matin au soir. Il a continué à être violent avec sa nouvelle femme. Comme elle a porté plainte il a écopé de 14 mois de prison ferme. Il est sorti et a recommencé de nouveau à être violent avec elle. De nouveau 14 mois de prison. J’étais tranquille pendant ce temps là mais mon fils l’a très très mal vécu. Cela a été une période éprouvante.
Finalement j’ai réussi à lui retirer l’autorité parentale il y a quelques mois. Maintenant mon fils et lui se rencontrent dans un centre spécialisé. Depuis je n’ai pas refait ma vie mais j’y compte bien. »
Les dysfonctionnements du système judiciaire français
La manière dont la société française en 2019 considère ce problème de violences conjugales est consternant.
Je ne suis pas du genre à pointer sans cesse les dysfonctionnements, mais il faut parfois les regarder en face.
Lorsqu’elle a quitté le domicile conjugal avec son bébé, Louise pensait être protégée par le système judiciaire.
Comme elle, d’autres femmes ont découvert des procédures inadaptées:
- Le délai trop long entre la plainte et le jugement pénal, plus d’une année.
- L’absence de logement pour la femme qui doit rester vivre avec son bourreau
- Le délai de traitement de la plainte par les services de police qui tardent à convoquer le compagnon violent
- Le manque de communication entre les auxiliaires de justice : avocats, policiers
- Le manque de formation, notamment en psychologie, face à un « pervers narcissique »
- Les remarques déplacées des services de police qui, parfois, refusent de prendre les plaintes
- La question du viol conjugal
- L’aide aux femmes dans les milieux isolés, sans argent, sans travail et sans relation
Le rôle des Avocats ne doit pas être minimisé /
Bien qu’on en parle finalement peu, les Avocats, nous sommes représentés au sein du Grenelle contre les violences conjugales par le Conseil National des Barreaux (CNB).
Plusieurs sujets ont été abordés par le CNB, notamment les violences intrafamiliales, l’accueil au commissariat et dans les brigades de gendarmerie, l’éducation-prévention, la coopération 115 – 3919, la justice, les violences psychologiques et l’emprise, les violences post séparation ainsi que les violences économiques.
Voici un extrait de la Résolution des 11/12 octobre 2019. Le Conseil National des Barreaux, représentant les Avocats français, :
“DEPLORE l’insuffisance du budget et des moyens affectés à la police et à la justice ;
DEPLORE la place, quasi inexistante, faite à la prévention dans les initiatives parlementaires et gouvernementales ;
RAPPELLE qu’il ne pourra y avoir de protection rapide et efficace de la victime de violences sans exiger des BAJ qu’ils traitent les demandes d’AJ à réception du dossier ;
CONSIDERE que le recours à l’ordonnance de protection doit être facilité et amélioré:
▪ En réduisant le délai de prononcé de l’ordonnance de protection à 72h00, soit 3 jours et en affectant les moyens nécessaires pour assurer le respect effectif de ce délai.
▪ En modifiant la loi pour corriger la pratique jurisprudentielle qui tend à ce que les ordonnances de protection soient refusées au motif de l’absence de «danger» lorsque les époux, concubins ou conjoints, ne vivent pas ou plus sous le même toit.
CONSIDERE que le port du bracelet anti-rapprochement ne peut être prononcé que par un juge pénal, à la demande de la victime, et non « après son accord » ;
S’OPPOSE en conséquence à ce que le port du bracelet anti-rapprochement puisse être prononcé par un juge civil, dans le cadre de l’ordonnance de protection ;
DEMANDE que le juge, lorsqu’il estime opportun d’édicter une interdiction de contact entre les conjoints, envisage d’ordonner que le droit de visite soit encadré et s’exerce, non pas dans un simple « espace de rencontre » mais dans un « lieu protégé » ou en présence d’un tiers de confiance, tout en garantissant un accompagnement et / ou un suivi psychologique du parent auteur ;
DEMANDE aux pouvoirs publics d’apporter ces modifications à leurs propositions et plan d’action ;
CONSIDERE par ailleurs insuffisantes les mesures proposées par les pouvoirs publics.
Par conséquent :
PROPOSE de mettre à disposition, dans chaque centre de soin et dans toute UMJ, un numéro d’appel d’un avocat de permanence (ou le numéro de la permanence du barreau) et remettre ce numéro à la victime ;
PROPOSE de créer une mission d’accompagnement du dépôt de plainte jusqu’à la saisine du juge, prise en charge au titre de l’AJ ;
PROPOSE d’engager un travail avec le Conseil de l’Ordre des médecins sur la rédaction des certificats médicaux de preuve des violences conjugales ;
PROPOSE de garantir le droit à l’indemnisation de la victime par le Fonds de garantie et rendre obligatoire la présence de l’avocat aux côtés de la victime devant la CIVI ;
PROPOSE de prendre en compte la spécificité des victimes de violences conjugales en situation de handicap en organisant un accueil dédié, dans les centres de soins, dans les UMJ, dans les commissariats…et en formant tous les professionnels ;
DEMANDE aux pouvoirs publics d’intégrer à leur plan d’action les mesures proposées par la profession d’avocat pour répondre aux vrais besoins des victimes.”
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Espérons que ces propositions soient suivies d’effets et des moyens nécessaires pour un mettre un terme à cet engrenage de violences.
Le rôle des Avocats est important. Il doit être l’accompagnateur de la victime. Pour mener à bien cette mission, il doit disposer des moyens nécessaires …
👉Si vous souhaitez contacter Louise Sevres, voici son mail: louise.sevres@hotmail.com.
Elle sera heureuse de vous écouter et vous aider.