Le droit de retrait des salariés
Evoqué depuis le début de la crise sanitaire face à la crainte de contamination au Covid-19, le droit de retrait est une faculté garantie par le Code du travail.
A quoi correspond le droit de retrait ?
Quelles en sont les modalités ?
Peut-on l’exercer dans la situation liée au Covid-19 ?
Droit de retrait : définition
Prévu à l’article L 4131-1 du Code du travail, le droit de retrait permet au salarié de quitter son poste de travail lorsqu’il estime que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, ou qu’il constate une défectuosité dans les systèmes de protection.
L’exercice du droit de retrait peut être fait de manière collective, et le salarié qui quitte son poste de travail n’a pas à prouver l’existence du danger, il suffit simplement qu’il se sente menacé par un risque qui pourrait affecter sa santé : provoquer un accident ou déclencher une maladie.
A titre d’exemple, les tribunaux reconnaissent comme justifié le droit de retrait d’un salarié pour qui la durée légale[1] de temps de travail n’est pas respectée, l’exposition par le salarié sur son poste de travail à des substances dont il est allergique[2], l’exposition à un risque d’agression à caractère raciste[3].
A l’inverse, une gêne sonore[4] caractérisée par le bruit d’un ventilateur ou une exposition a des courants d’air[5], n’ont pas été considérées comme l’exercice du droit de retrait de manière justifiée.
Droit de retrait : conditions et exercice
Le salarié qui exerce son droit de retrait doit avertir son employeur ou son responsable hiérarchique par tout moyen, étant précisé qu’aucune règle ne peut lui imposer de donner cette information par écrit.
Toutefois, le retrait du salarié ne doit pas avoir pour conséquence directe de créer une nouvelle situation de danger pour d’autres salariés, et l’exercice de ce droit n’est pas synonyme de retour au domicile pour le salarié qui peut être affecté à un autre poste de l’entreprise, adapté à ses compétences.
Afin de limiter les dérives, une condition est toutefois fixée à l’exercice de ce droit de retrait, puisque le salarié doit justifier d’un motif de retrait raisonnable. Il doit raisonnablement penser, au moment du retrait, qu’il est effectivement en danger, compte tenu à la fois du contexte mais aussi de ses connaissances et expériences. Cette condition lui offre ainsi un droit d’erreur quant à la réalisation du danger.
En tout état de cause le droit de retrait lorsqu’il est motivé ne peut donner lieu à aucune sanction de la part de l’employeur, qui ne peut par ailleurs pas contraindre le salarié à reprendre le travail tant que la situation de danger persiste.
En cas de désaccord, il appartient au juge de trancher, par une analyse au cas par cas et selon, de dire que le licenciement prononcé en conséquence d’un droit de retrait et dépourvu de cause réelle et sérieuse, sinon de juger l’exercice du droit de retrait par le salarié comme étant abusif, justifiant ainsi une retenue sur salaire et/ou une sanction disciplinaire.
Droit de retrait et Covid-19
La question sur l’usage du droit de retrait dans le contexte épidémique actuelle s’est posée dès le début de la crise.
Compte tenu de la situation inédite, des recommandations ont été édictées par le gouvernement permettant à l’employeur qui veille à leur mise en place et leur respect, de satisfaire son obligation de santé et sécurité envers les salariés.
Sur ce postulat, et bien qu’une analyse au cas par cas semble nécessaire, l’exercice du droit de retrait du fait d’un risque de contamination au Covid-19 semble possible dès lors qu’il y a manquement de l’employeur sur ces mesures nécessaires.
Sur ce sujet, l’exemple de la société Amazon[6] peut être cité puisque la validité du droit de retrait exercé par les salariés, du fait de l’absence de mesures suffisantes permettant d’assurer la protection des salariés (règles de distanciation non respectées et constatées par huissier, utilisation de portiques d’entrée avec les mains, manipulation des cartons de livraison sans protection, etc…), a été retenu.
[1] Cass. soc 17 octobre 1989 n°86-43.272
[2] Cass. soc 20 mars 1996 n°93-40.111
[3] Cass. soc 25 novembre 2015 n°14-21.272
[4] Cass. soc 17 octobre 1989 n°86-43.272
[5] CPH de Béthune 31 octobre 1984
[6] Tribunal judiciaire de Nanterre 14 avril 2020 n°20/00503